

L'accord-cadre national interprofessionnel du 14 octobre 2021 relatif aux nouveaux enjeux de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel avait permis aux partenaires sociaux de faire le bilan de cette loi et de formuler des propositions d’évolutions. Il avait initié des travaux paritaires autour de plusieurs chantiers qui donnent aujourd’hui lieu à la conclusion d’une contribution paritaire, adressée aux pouvoirs publics. Cette contribution rappelle sa genèse dans le cadre du mouvement initié à la suite de la signature de l’ANI et fait état d’une vingtaine de séances de travail.
La contribution partagée formalise les ambitions portées par l’action paritaire dans le champ de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Elle s’adresse aux pouvoirs publics en précisant la manière dont les partenaires sociaux entendent jouer leur rôle dans la définition, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques. Enfin, elle propose des pistes concrètes pour faire évoluer, réguler le système de la formation professionnelle et de l’apprentissage, et permettre sa soutenabilité. À cette fin, les partenaires sociaux formulent 17 propositions, regroupées autour de 4 grands axes d’actions : inciter au dialogue social pour développer l’investissement dans les compétences, accompagner les entreprises et les salariés au plus près de leurs besoins, réguler au service de la qualité et du financement du système, installer une gouvernance stratégique plus partagée.
Les quatre axes d’action comportent plusieurs points d’attention.
Sur l’incitation au dialogue social pour développer l’investissement dans les compétences
Premier axe de la contribution
Les propositions formulées par les partenaires sociaux dans le cadre de ce premier axe visent à encourager les pratiques de co-investissement et, en particulier, à inciter les entreprises, via des leviers financiers indirects, à investir dans la formation professionnelle au-delà de leurs obligations légales.
Les partenaires sociaux font ainsi le constat préalable que les entreprises consacrent souvent chaque année, en matière de formation professionnelle et d’apprentissage, des sommes supérieures à la contribution légale fixée par le code du travail.
Cet investissement « supplémentaire » repose, d’abord, sur les contributions conventionnelles qui peuvent être instituées par les branches pour financer le développement de « la formation professionnelle continue » (c. trav. art. L. 6332-1-2). La collecte de ces contributions représentait, en 2021, environ 600 millions d’euros, soit 9 % de la collecte annuelle. Lorsqu’elles sont le fruit d’un accord professionnel, ces contributions ne sont mutualisées qu’entre les branches comprises dans le champ de ce versement conventionnel, ce qui permet le déploiement de politiques adaptées aux enjeux spécifiques de branches avec une grande souplesse quant à la nature des actions financées entre, notamment, l’ingénierie, la formation et la rémunération des stagiaires. Dès lors qu’elles sont prévues par un accord collectif étendu, ces contributions sont obligatoires pour les entreprises de la branche, sans dérogation possible par accord d’entreprise (c. trav. art. L. 2253-1).
Mais cet investissement peut également être volontairement mis en œuvre au sein de l’entreprise, notamment via un dispositif d’abondement conventionnel ou unilatéral au compte personnel de formation des salariés de l’entreprise.
À ce jour, ces abondements demeurent encore limités. C’est pourquoi les partenaires sociaux formulent dans la contribution paritaire un certain nombre de propositions tendant à simplifier et à encourager les pratiques de co-investissement.
À noterSelon les chiffres publiés par la Caisse des Dépôts et Consignations, au 8 novembre 2022, 10 459 employeurs avaient procédé à des abondements du CPF de leurs salariés, pour un montant de 238 millions d’euros.
Proposition n° 1 : accélérer la mise en œuvre opérationnelle des pratiques de codécisions et co-investissement CPF
La proposition n° 1 vise tout d’abord à accélérer la mise en œuvre opérationnelle des pratiques de codécisions et co-investissement CPF, notamment celles prévues par accord de branche ou accord d’entreprise. En effet, il est possible, par accord d’entreprise ou de branche, de définir certaines catégories de salariés ou certaines formations pour lesquelles l’employeur s’engage à financer le coût supérieur aux droits inscrits sur le CPF du salarié (c. trav. art. L. 6323-11 et L. 6323-14). L’intérêt de ce dispositif est évident tant pour le salarié, dont la formation est partiellement prise en charge par l’entreprise, que pour l’employeur, qui peut orienter le choix des salariés vers des formations en lien avec les besoins du marché du travail. Il prend tout son sens au moment où la loi de finances pour 2023 instaure un « ticket modérateur » imposant au titulaire du CPF, sous certaines conditions, de participer au financement de la formation éligible au CPF, sauf, notamment, en cas d’abondement de l’employeur (loi 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023, art. 212, JO du 31).
En pratique, l’employeur peut régler les abondements au cas par cas, en avançant, le cas échéant, l’intégralité du coût de la formation, puis en se faisant rembourser (hors abondement) par la Caisse des Dépôts et Consignations, sur les fonds inscrits au CPF du salarié. Néanmoins, si les employeurs peuvent aujourd’hui directement verser les fonds, en ligne, sur le compte personnel de formation des salariés, le système fait l’objet de critiques récurrentes dans la mesure où rien ne permet de garantir que les fonds affectés par l’employeur au CPF du salarié seront bien utilisés pour financer la formation convenue entre les parties.
Le code du travail permet ainsi également aux entreprises, comme aux autres financeurs, de conclure des conventions de gestion avec la Caisse des Dépôts et Consignations, leur permettant de confier à cette dernière « la gestion d’une enveloppe globale de fonds » (c. trav. art. R. 6333-2-1) affectés au financement des abondements. Si, un certain nombre de conventions de gestion ont aujourd’hui été conclues au profit de branches professionnelles, le dispositif n’est pas encore réellement mis en œuvre auprès des entreprises.
La complexité de ces différents mécanismes est un frein aux pratiques d’abondement des entreprises. C’est ainsi que les partenaires sociaux appelaient, dans l’accord-cadre du 14 octobre 2021, à une simplification des procédures d’abondement, en permettant à une branche professionnelle ou à une entreprise qui a négocié un accord collectif sur les formations éligibles et salariés prioritaires pour un abondement d’acheter des formations présentant un intérêt partagé et de se faire rembourser par la Caisse des Dépôts et Consignations. Un an plus tard, la contribution paritaire pointe à nouveau la complexité de ce dispositif pour les entreprises et appelle à sa simplification.
Proposition n° 2 : instaurer un crédit d’impôt formation au profit des entreprises ayant réalisé, dans le cadre d’un accord collectif, des dépenses de co-investissement CPF
Afin de développer les abondements, la proposition n° 2 vise ensuite à instaurer un crédit d’impôt formation au profit des entreprises ayant réalisé, dans le cadre d’un accord collectif, des dépenses de co-investissement CPF. Dit autrement, les entreprises ayant, en application d’un accord collectif, cofinancé avec leur salarié une formation éligible au CPF, pourraient bénéficier d’un avantage fiscal. Les partenaires sociaux précisent qu’un tel mécanisme serait encadré par des objectifs prédéfinis à prendre en compte dans le cadre de priorités qui seraient arrêtées au niveau des branches et des entreprises dans le cadre du dialogue social.
Cette idée n’est pas nouvelle. Les signataires de l’accord cadre du 14 octobre 2021 demandaient déjà que les dépenses complémentaires de formation engagées par les entreprises en sus des contributions obligatoires bénéficient d’une aide. Le crédit d’impôt proposé par la contribution paritaire, défendu de longue date par plusieurs acteurs de la formation professionnelle, dont les Acteurs de la Compétence, en constitue une application pratique potentielle. Il permettrait effectivement de renforcer l’effet de levier de l’abondement.
À noterLa note de position des Acteurs de la compétence (février 2022) propose de « faire bénéficier toutes les PME (moins de 250 salariés) d’un crédit d’impôt de 30 % sur toutes les dépenses de formation engagées auprès d’une entreprise de formation certifiée qualité » (Libérer la formation – Manifeste pour une formation réellement continue et inclusive (Fédération de Formation Professionnelle/Asteres – juin 2016)/La formation et le développement des compétences des salariés).
Rappelons également, à toutes fins utiles, que les abondements volontaires réalisés par les entreprises sont d’ores et déjà exonérés de charges sociales (Question-Réponse du Ministère du travail – Compte personnel de formation – février 2020).
Proposition n° 3 : faire en sorte que les dépenses de formation soient considérées comptablement comme des investissements
La proposition n° 3 vise enfin à faire en sorte que les dépenses de formation soient considérées comptablement comme des investissements et non des charges afin que les entreprises puissent les amortir. C’est le sens d’une proposition que l’un d’entre nous avait formulée cette année (« Reconversion professionnelle : pour le meilleur et pour l’avenir », note de Franck Morel pour l’Institut Montaigne, février 2022).
L’Autorité des Normes Comptables (ANC) a publié, en décembre 2019 (ANC règlement n° 2019-09 du 18 décembre 2019 homologué le 22 avril 2020), un règlement relatif à la comptabilisation des frais de formation, qui prévoit que les frais externes afférents à des formations nécessaires à la mise en service d’une immobilisation corporelle ou incorporelle acquise peuvent, sur option, être rattachés au coût d’acquisition de cette immobilisation ou comptabilisés en charges. Cette option peut être exercée indépendamment de celle relative aux frais accessoires (droits de mutation, honoraires ou commissions et frais d’actes) qui existe actuellement. En pratique, sont donc amortissables les dépenses de formation réalisées par un prestataire externe, dès lors que ces dépenses accompagnement un investissement.
Cependant, cette avancée reste limitée et il est effectivement nécessaire d’aller plus loin. Cela peut supposer d’élargir l’adaptation des règles comptables ou, si cela n’est pas possible à court terme, d’adapter les seules règles fiscales en ciblant les formations lourdes, pour lesquelles il fait sens de considérer qu’elles vont générer un retour sur investissement et potentiellement devoir être renouvelées ou complétées au bout d’un certain nombre d’années.
Sur l’accompagnement des entreprises et des salariés au plus près de leurs besoins
Second axe de la contribution
Aux termes de son second axe, la contribution rappelle à titre liminaire l’importance du Conseil en Évolution Professionnelle (CEP) (c. trav. art. L. 6111-6 et s.). Renforcé par la loi du 5 septembre 2018, le CEP est un dispositif d'accompagnement gratuit et personnalisé, mobilisable à l’initiative du salarié qui souhaite faire le point sur sa situation professionnelle. Il doit permettre à tout actif souhaitant engager une démarche de reconversion professionnelle d’établir et de façonner un projet d’évolution professionnelle cohérent et réfléchi. Cet accompagnement est mis en œuvre par les opérateurs de conseil en évolution professionnelle, désignés depuis janvier 2020 dans le cadre d’un appel d’offres.
Ainsi que le souligne la contribution, l’outil, en dépit d’une montée en puissance indéniable, reste encore trop méconnu par les actifs. Ainsi, seuls 100 937 actifs occupés ont été accompagnés en 2020, et ce en dépit d’un taux de satisfaction très élevé – 90 % - parmi les bénéficiaires (France compétences (2021), « EP des actifs occupés en 2020 : un premier bilan prometteur », communiqué de presse, https://www.francecompetences.fr/app/uploads/2021/04/CP_Bilan-1an-CEP-actifs-occupés.pdf).
Proposition n° 5 : conforter et professionnaliser les opérateurs du CEP
Forts de ce constat, les partenaires sociaux suggèrent, dans la proposition n° 5, de conforter et de professionnaliser les opérateurs du CEP pour leur permettre d’informer davantage d’actifs, notamment sur les nouvelles possibilités de co-construction du CPF ou sur les nouvelles dispositions relatives à la VAE, issues de la loi sur le marché du travail en vue du plein emploi (lesquelles prévoient notamment, un élargissement du dispositif à toutes personnes, engagées ou non dans la vie active, autorisent la validation de toute expérience permettant l’acquisition de compétences, sans durée minimale, et portent la durée du congé de VAE à 48 heures) (loi 2022-1598 du 21 décembre 2022, JO du 22).
La réussite du CEP nécessite par ailleurs que les conseillers qui en ont la charge soient capables de prendre en compte tant les aspirations personnelles des individus que les besoins du marché du travail constatés territorialement.
Proposition n° 9 : instaurer un crédit d’impôt formation
La proposition n° 9 vise pour sa part à instaurer un crédit d’impôt formation pour les actifs qui investissent pour financer des actions des formations dans le cadre d’un projet de transition professionnelle. C’est le complément de la proposition sur le crédit d’impôt pour les entreprises.
Pour mémoire, tout salarié a la possibilité de mobiliser les droits inscrits sur son CPF pour contribuer au financement d’une formation certifiante, lui permettant de changer de métier ou de profession, dans le cadre d’un projet de transition professionnelle (c. trav. art. L. 6323-17-1).
Cependant, à l’heure où les pouvoirs publics resserrent le dispositif d’accès au CPF, il est peu probable qu’ils envisagent un crédit d’impôt pour les actifs qui s’engageraient dans un projet de transition professionnelle.
Sur la régulation au service de la qualité et du financement du système
Troisième axe de la contribution
Le troisième axe de la contribution s’intéresse à la délicate question du financement de la formation professionnelle. Les partenaires sociaux rappellent d’abord que le financement des dispositifs de formation repose, en très grande partie, sur la contribution unique à la formation professionnelle et l’apprentissage (CUFPA) versée par les entreprises. Après avoir rappelé le déficit considérable – plus de 10 milliards d’euros – auquel doit faire face le dispositif de formation professionnelle, ils estiment qu’il convient aujourd’hui de repenser le système de financement.
Proposition n° 10 : retrouver des marges de manœuvre financière
La proposition n° 10 vise ainsi à retrouver des marges de manœuvre financière. La contribution mentionne, au même titre que l’ANI du 14 octobre 2021, le fait que les associations non soumises à l’impôt sur les sociétés et les entreprises relevant du secteur agricole sont aujourd’hui – alors même qu’elles emploient un nombre important d’apprentis – hors du champ du paiement de la partie de la contribution issue de la taxe d’apprentissage (c. trav. art. L. 6241-1). Si cette exclusion est factuellement exacte, cette situation n’est pas nouvelle et existait bien avant la réforme de 2018. Elle n’est donc pas à l’origine des déséquilibres budgétaires. Par ailleurs, on ne peut qu’exprimer une réserve en constatant que les négociateurs et signataires potentiels de cette contribution, comme c’était le cas pour l’ANI du 14 octobre 2021, excluent précisément de leur champ ces organismes qui relèvent, pour la plupart, de ce que l’on appelle les secteurs multiprofessionnels. Le souhait d’équité est donc formulé par des parties à destination d’autres acteurs qui ne sont pas autour de la table de négociation.
Proposition n° 11 : étudier des pistes de régulation et d’encadrement du CPF
La proposition n° 11 consiste à étudier des pistes de régulation et d’encadrement du CPF dans une volonté de cibler les usages tournés vers la professionnalisation pour clarifier les formations éligibles. Cette ambition n’est pas nouvelle. En effet, même si la part des non-cadres est très majoritaire parmi les utilisateurs du CPF et que les formations suivies sont, pour près des deux tiers, de niveau baccalauréat ou moins, l’essor du CPF a été rapide et pèse aujourd’hui fortement sur les finances publiques ; le taux de recours pour les salariés du privé est ainsi passé de 1,5 % à 2,5 % entre l’ancien et le nouveau dispositif de CPF.
À noterSelon les derniers chiffres fournis par la Caisse des Dépôts et Consignations, 7 usagers sur 10 étaient ouvriers ou employés au 8 novembre 2022.
Pour en réguler l’utilisation, deux options étaient envisageables : réguler l’offre de formation, qui consiste plutôt à agir sur la nature des formations éligibles à un financement par le CPF (« Reconversion professionnelle : pour le meilleur et pour l’avenir », op. cit.) ou réguler la demande, en instituant un mécanisme de ticket modérateur.
Les partenaires sociaux semblaient plutôt favorables à la première solution. Les signataires de l’accord du 14 octobre 2021 soulignaient ainsi que le salarié devait pouvoir mobiliser son CPF au service de son parcours professionnel, en lien avec les besoins des entreprises de son territoire et déploraient que l’usage du CPF s’inscrive insuffisamment dans ce cadre, notamment du fait d’une carence d’accompagnement. Ils demandaient à la Caisse des Dépôts et Consignations d’expérimenter un dispositif consistant à conditionner l’achat de formations visant des certifications hors du répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) à la validation de l’opérateur du conseil en évolution professionnelle. La contribution ne l’évoque plus. Elle maintient toutefois le souhait de recentrer le CPF sur des enjeux professionnels et sur le développement et l’acquisition de compétences utiles sur le marché du travail.
Un autre système de régulation a été retenu par le Gouvernement, via la loi de finances pour 2023 : le ticket modérateur. Sous réserve des précisions qui seront apportées par décret, il s’agit en pratique d’imposer au titulaire du compte de participer au financement de la formation à laquelle il s’inscrit par le biais de son CPF. Aux termes de la loi du 30 décembre dernier, cette participation sera soit proportionnelle au coût de la formation, dans la limite d’un plafond, soit forfaitaire. Elle ne sera due ni par les demandeurs d’emploi, ni par les titulaires du compte, dès lors que la formation fait l'objet d'un abondement par l’employeur dans les conditions prévues par l’article L. 6323-4, II, 2° du code du travail, c’est-à-dire lorsque le coût de la formation est supérieur au montant des droits inscrits sur le compte ou aux plafonds d’alimentation du CPF. Certes, le système retenu risque de pénaliser les moins qualifiés, alors même que le CPF permettait de leur ouvrir l’accès à la formation. Mais le mécanisme d’exception lié à l’abondement redonne la main aux employeurs pour inciter plus encore à l’utilisation du CPF et établir, de fait, un lien avec des besoins identifiés.
Proposition n° 12 : réallouer une partie des fonds du PIC au budget de France compétences
La proposition n° 12 vise à réallouer une partie des fonds du plan d’investissement dans les compétences (PIC) au budget de France compétences au profit de la formation des salariés et des projets de transitions professionnelle. Le ministre du Travail a pour sa part indiqué que ces moyens, reconduits en partie en 2023, pourraient être réajustés. Selon le comité d’évaluation du PIC (troisième rapport du comité scientifique de l’évaluation du PIC, novembre 2022), la dynamique est réelle mais partielle et inachevée. En effet, l’impact est variable en fonction des régions, le dispositif étant principalement fondé sur des pactes avec effet de levier avec les régions qui ont augmenté leurs dépenses de 44 % par rapport au socle de dépenses pris en considération. Quantitativement, 1,64 million d’entrées en formation en ont résulté en 2021 contre 801 000 en 2017, avant ce plan. Mais il faut compter dans ce chiffre 610 000 activations du CPF sans abondement. C’est donc en réalité 100 000 à 200 000 entrées en formation de plus hors CPF. À noter cependant un effort particulier sur les métiers en tension avec 32 entrées en formations pour 1 000 emplois correspondants à des métiers en tension du fait d’un manque de compétences en 2021 contre 15 pour 1 000 pour les métiers qui ne sont pas en tension. Il s’agit donc d’examiner comment capitaliser sur cette dynamique. Pour autant, les besoins des entreprises restent importants et la formation, via notamment les mécanismes de type « préparation opérationnelle à l’emploi » (POE) permettent de répondre aux attentes des entreprises en formant des demandeurs d’emploi à un poste en lien avec les besoins identifiés.
Proposition n° 13 : rationaliser et stabiliser les procédures d'enregistrement aux RNCP et RS
Aux termes de la proposition n° 13, les partenaires sociaux demandent la rationalisation et la stabilisation des procédures équitables d’enregistrement des certifications aux différents répertoires (répertoire national des certifications professionnelles – RNCP – et répertoire spécifique – RS). Ils demandent ainsi que l’ensemble des informations exigées des branches professionnelles pour la constitution des dossiers de demandes d’inscriptions aux répertoires (RS et RNCP) soient également fournies par les certificateurs publics, en particulier les ministères certificateurs. Il faut rappeler que selon France compétences, l’offre de certifications au RS pour le CPF a été réduite de 70 % au début de l’année 2022, avec un taux d’acceptation des dossiers de renouvellement de seulement 35 %. L’exigence de qualité a conduit au rejet en commissions de 49 % des dossiers présentés au RNCP et de 80 % des dossiers présentés au RS ; s’en est suivie une baisse significative des certifications enregistrées au RNCP (4 905 au 1er juillet 2022 contre 9 011 au 1er janvier 2019) et au RS (1 015 au 1er juillet 2022 contre 2 178 au 1er janvier 2019). Cette régulation, notamment motivée par des impératifs budgétaires, met en exergue la différence de traitement entre offre de certification privée et publique avec d’un côté des règles d’enregistrement strictes et de l’autre un enregistrement de droit (pour les 2 898 certifications publiques sur les 4 905 inscrites au RNCP) (Jaune budgétaire Formation professionnelle, annexe au PLF pour 2023). L’impact économique peut par ailleurs être important pour les organismes de formation.
Proposition n° 14 : mettre en place une ligne budgétaire mutualisée pour contribuer au financement et à l’ingénierie du PDC des entreprises de 50 à 299 salariés
La proposition n° 14 vise à mettre en place une ligne budgétaire mutualisée pour contribuer au financement et à l’ingénierie du plan de développement des compétences (PDC) des entreprises de 50 à 299 salariés. Il s’agit en pratique de rétablir l’accès de ces entreprises aux fonds mutualisés de la formation professionnelle, supprimé par loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018 et réservés aujourd’hui aux entreprises de moins de 50 salariés. Aux termes de l’étude d’impact de la loi du 5 septembre 2018, 597 969 salariés avaient, en 2016, bénéficié d’une action de formation financée par les OPCA sur ces fonds mutualisés dans des entreprises employant de 50 à 299 salariés. Ils étaient 860 980 dans les entreprises employant moins de 50 salariés. La vraie question est donc celle de la fongibilité potentielle entre ces tranches d’effectifs qui, si elle était retenue, aboutirait de fait à réduire les fonds accessibles aux TPE, au profit des PME.
À noterPour mémoire, antérieurement à la loi du 5 septembre 2018, il existait une « fongibilité asymétrique » au profit des plus petites entreprises. Les OPCA pouvaient ainsi « affecter des versements des employeurs d’au moins cinquante salariés au financement des plans de formation présentés par les employeurs de moins de cinquante salariés adhérant à l’organisme » (c. trav. art. L. 6332-3-2, abrogé par la loi du 5 septembre 2018).
Une telle fongibilité ne nous semble donc pas souhaitable. En effet, l’accès des salariés à la formation est fortement lié à la taille de l’entreprise. Ainsi, en 2020, seuls 20 % des salariés des entreprises de moins 50 salariés ont effectué une formation dans l’année écoulée, contre 61 % des salariés des entreprises de 1 000 salariés ou plus (Jaune Budgétaire, op. cit.).
Sur l’installation d’une gouvernance stratégique plus partagée
Quatrième axe de la contribution
Dans ce dernier axe, plusieurs propositions sont formulées en lien avec l’ouverture d’un groupe de travail paritaire prévu par l’accord national interprofessionnel du 14 avril 2022 sur le paritarisme.
La question des relations entre pouvoirs publics et partenaires sociaux est notamment évoquée via la question de l’organisation de la gouvernance de France compétences, sujet sensible dans un contexte budgétaire contraint…
La formation en alternance, grande absente de la contribution
Enfin, grande absente de cette contribution paritaire, la formation en alternance est assez peu évoquée, alors même que l’accord cadre précité identifiait trois enjeux prioritaires à ce sujet : améliorer les dispositifs d’orientation vers l’apprentissage, renforcer l’accompagnement des jeunes et soutenir l’innovation pédagogique des CFA. La réforme des lycées professionnels engagée et la baisse des niveaux de prise en charge initiée par France Compétences (de l’ordre global de 10 %) ont sans doute pesé dans ce recentrage des travaux paritaires.
Liste intégrale des propositions de la contribution |
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Partie 1 – Inciter au dialogue social pour développer l’investissement dans les compétences |
1. Accélérer la mise en œuvre opérationnelle des pratiques de codécision et de coinvestissement CPF, notamment celles prévues par accord collectif ; 2. Instaurer, via la loi, d’un crédit d’impôt formation pour les entreprises pour les dépenses de co-investissement CPF prévues par accord de branche ou d’entreprise ; 3. Considérer les dépenses formation des entreprises comme un investissement et ainsi permettre leur amortissement comptable. |
Partie 2 – Accompagner les entreprises et les salariés au plus près de leurs besoins |
4. Promouvoir et valoriser les socles de compétences auprès de tous les publics ; 5. Conforter et professionnaliser les opérateurs du CEP ; 6. Faire du vademecum paritaire un outil numérique d’aide à la construction des plans de développement des compétences, confier sa diffusion à CERTIF PRO mobiliser les OPCO pour en assurer la promotion ; 7. Définir au niveau interprofessionnel un cadre simplifié, lisible et unifié en matière de transitions professionnelles pour sécuriser tant les salariés que les entreprises ; 8. Reverser le CPF mobilisé par les salariés dans le cadre d’un projet de transition professionnelle au budget des associations paritaires régionales Transitions Pro ; 9. Instaurer, via la loi, un crédit d’impôt formation pour les actifs qui investiraient pour financer des actions de formation dans le cadre d’un PTP. |
Partie 3 – Réguler au service de la qualité et du financement du système |
10. Retrouver, avec l’État et les Régions, des marges de manœuvre financières ; 11. Étudier des pistes de régulation et d’encadrement du CPF dans une volonté de cibler les usages tournés vers la professionnalisation pour clarifier les formations éligibles ; 12. Réallouer une partie des fonds du PIC au budget de France compétences au profit de la formation des salariés et des projets de transition professionnelle ; 13. Rationnaliser et stabiliser des procédures équitables d’enregistrement des certifications aux différents répertoires ; 14. Mettre en place, à contribution inchangée, une ligne budgétaire mutualisée pour le financement et l’ingénierie du plan de développement des compétences des entreprises de 50 à 299 salariés (et sans obérer la ligne réservée aux – 50 salariés). |
Partie 4 – Installer une gouvernance stratégique plus partagée |
15. Créer un espace stratégique quadripartite pour définir une vision et des priorités à moyen-long terme, et des règles éthiques encadrant l’usage des bases de données constituées ; 16. Réviser les processus de décision au sein du Conseil d’administration de France compétences, pour permettre à toutes les parties prenantes de participer et voter sur l’ensemble des affectations financières avec l’instauration d’une minorité de blocage ; 17. Harmoniser le fonctionnement des CREFOP en tenant compte des spécificités de chaque branche professionnelle et des territoires et réaffirmer la légitimité des partenaires sociaux dans la définition et la mise en œuvre des priorités régionales. |
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