Quand une société holding est-elle assujettie à la taxe sur les salaires ?
La gestion de la taxe sur les salaires ne doit pas être négligée car cette taxe peut représenter un coût important pour les holdings qui emploient des salariés, même s’il s’agit de holdings « mixtes », à partir du moment où celles-ci perçoivent des dividendes (ou autres produits financiers) importants.
Le meilleur moyen de minimiser le coût de cette taxe (y compris en situation de contrôle fiscal) est de revendiquer l’existence d’un secteur d’activité financier. Dans ce cas, seules restent taxables (mais à 100 %) les rémunérations des salariés œuvrant pour ce secteur.
Toutefois, les rémunérations servies aux dirigeants sont susceptibles de donner prise à la taxe en tout état de cause (selon le rapport d’assujettissement général applicable à l’entreprise), s’il n’est pas possible de démontrer que les fonctions des intéressés excluent toute supervision de l’activité financière.
Sociétés assujetties à la taxe sur les salaires
D’après l’article 231 du CGI, la taxe sur les salaires (TS) est mise à la charge des personnes ou organismes payant des rémunérations (à l’exception de certaines collectivités limitativement énumérées), « lorsqu’ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l’ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d’affaires au titre de l’année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. »
Ainsi, l’assujettissement d’une société à la taxe sur les salaires est directement lié à son « non-assujettissement » à la TVA : les rémunérations versées sont imposables à la taxe sur les salaires suivant le rapport entre le chiffre d’affaires qui n’a pas été passible de la TVA et le chiffre d’affaires total de la société.
En cas d’option pour le « groupe TVA » (voir 1250), les opérations internes au groupe devront être prises en compte en fonction du régime de TVA qui leur aurait été applicable en l’absence d’appartenance à un tel groupe, pour le calcul du rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires.
Cela étant, depuis de nombreuses années le rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires n’est plus égal au « contre-prorata » de TVA, puisque l’article 231 précité prend soin de préciser que le chiffre d’affaires à retenir au dénominateur de ce rapport doit s’entendre du « total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n’entrent pas dans le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée ». Cette précision a, en effet, été introduite dans la loi en 1993 pour contrecarrer les effets en matière de taxe sur les salaires de la jurisprudence qui a, rappelons-le, exclu les dividendes du champ d’application de la TVA (CJCE, 22 juin 1993, Satam, C-333/91). Les dividendes doivent donc bien figurer au numérateur du rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires (CE 14 février 2018, n° 410302, Sté Nord Provence Finance).
Dès lors, non seulement une holding « pure », qui ne facture pas de prestations de services, doit être soumise à la taxe sur les salaires (sur l’intégralité des rémunérations versées, dans ce cas, puisque son « rapport d’assujettissement » à la TS sera de 100 %) mais même une holding « mixte », qui facture des prestations de services soumises à la TVA, peut devoir acquitter de la taxe sur les salaires si elle perçoit un montant significatif de dividendes, alors même qu’elle déduit peut-être l’intégralité de la TVA qui lui est facturée.
Précision complémentaire : l’administration fiscale admet de ne pas prendre en considération certaines recettes en tant que recettes « non taxables » susceptibles de détériorer le rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires, bien qu’elles ne soient pas soumises à la TVA :
- indemnités reçues en réparation de dommages consécutifs à des sinistres ou à des calamités naturelles, notamment les indemnités versées par les compagnies d’assurances ou les pouvoirs publics (BOFiP-TPS-TS-20-30-§ 90-30/03/2022) ;
- débours (BOFiP-TPS-TS-20-30-§ 110-30/03/2022) ;
- subventions à caractère exceptionnel et subventions d’équipement (BOFiP-TPS-TS-20-30-§ 160-30/03/2022) ;
- livraisons à soi-même (la non-inclusion des livraisons à soi-même a d’ailleurs été validée par la jurisprudence : CE 9 novembre 2015, n° 384536 ; BOFiP-TPS-TS-20-30-§ 110-30/03/2022).
Il en va de même, en l’état actuel de la doctrine administrative, des recettes correspondant à la « cession de biens d’investissement corporels ou incorporels, que ces cessions soient imposées ou exonérés de la TVA » (BOFiP-TPS-TS-20-30-§ 100-30/03/2022), lesquelles ne doivent être ajoutées ni au numérateur ni au dénominateur du rapport d’assujettissement. C’est ainsi que par exemple, le fait pour une holding de réaliser une importante plus-value sur titres ne modifie pas à notre sens sa situation au regard de la taxe sur les salaires.
En revanche, la quote-part de résultat attribuée à leurs associés par les sociétés de personnes doit être assimilée aux dividendes distribués par des sociétés de capitaux et, par suite, être comprise au numérateur du rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires (CAA Paris 31 décembre 2012 n° 12PA00480 Sté Compagnie financière d’investissement ; CE (na) 21 septembre 2021 n° 447998 Sté Promogim Groupe, rejetant le pourvoi contre CAA Versailles 20 octobre 2020 n° 18VE03966, 18VE03967).
L’Administration précise d’autre part que les flux financiers situés hors du champ d’application de la TVA (subventions, dividendes, etc.) sont pris en compte dans le rapport d’assujettissement de l’année au cours de laquelle intervient l’encaissement desdites sommes (BOFiP-TPS-TS-20-30-§ 60-30/03/2022).
Par ailleurs, cette même doctrine admet de ne pas tenir compte dans les recettes non taxables des produits financiers accessoires. Cependant, cette notion n’est pas la même en matière de taxe sur les salaires qu’en matière de TVA : ici sont considérés comme « accessoires » les produits financiers exonérés (ou hors champ) dont le montant total n’excède pas 5 % des recettes totales de la société. Lorsque la limite de 5 % est dépassée, la totalité des produits financiers doit être comprise au numérateur et au dénominateur du rapport d’assujettissement (BOFiP-TPS-TS-20-30-§ 140-30/03/2022).
Enfin, il convient de préciser la portée de la règle prévoyant l’assujettissement des sociétés qui ne sont pas taxées à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l’ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d’affaires au titre de l’année civile précédente. Elle signifie que peuvent échapper à la taxe sur les salaires :
- non seulement les sociétés dont toutes les recettes de l’année sont taxables à la TVA ;
- mais aussi celles qui sont partiellement taxables à la TVA, dès lors qu’elles étaient imposables l’année précédente sur 90 % de leurs recettes au moins (voir en ce sens CE 21 mai 1986 n° 49766 ; CAA Lyon 29 décembre 2005, n° 01LY00710 ; TA Paris 21 mai 2014, n° 1305404 ; CAA Nantes 26 novembre 2021 n° 20NT01871, Sté Legris Industries).
Cette solution consistant à n’opérer les distributions de dividendes qu’une année sur deux n’est pas toujours à préconiser, notamment parce qu’elle peut être délicate à mettre en œuvre en pratique. Elle ne concerne bien évidemment pas les holdings de rachat, du moins dans leurs premières années, puisque ces dernières ont généralement besoin de percevoir chaque année les dividendes de leur filiale pour assurer le remboursement de leurs emprunts. Elle ne peut donc concerner que les holdings disposant d’une trésorerie suffisante pour se passer de distributions une année sur deux (mais pas suffisamment abondante pour lui procurer en tout état de cause des produits financiers réguliers importants).
Encore faut-il se montrer attentif quand les actionnaires de la holding escomptent eux-mêmes une distribution chaque année, lorsque les actions formant le capital de ladite holding font l’objet d’un démembrement. En effet, dans la mesure où le résultat de la holding risque d’être nul ou négatif l’année où elle ne percevra aucun dividende de sa filiale, il pourra être nécessaire de prélever juridiquement la distribution sur les réserves. Or contrairement à une distribution provenant du résultat courant, qui bénéficie aux usufruitiers (cass. com. 5 octobre 1999, n° 97-17377), une distribution prélevée sur les réserves bénéficie normalement aux seuls nus-propriétaires (cass. com. 27 mai 2015, n° 14-16246 X. c/Directeur général des finances publiques).
En pratique, il pourrait donc s’avérer utile en pareil cas de maintenir des bénéfices dans le poste « report à nouveau » dans la mesure où les sommes figurant dans ce poste conservent le caractère de résultats en instance de distribution, sans constituer à proprement parler des réserves : leur attribution ultérieure pourra donc valablement profiter aux usufruitiers.
Signalons par ailleurs qu’infirmant le jugement du tribunal administratif de Paris mentionné ci-dessus, la Cour administrative d’appel de Paris a retenu une interprétation différente, en adoptant une position « cumulative » défavorable aux entreprises : elle a jugé que doivent être redevables de la taxe au titre d’une année civile les sociétés qui ne sont pas assujetties à la TVA au cours de cette même année, et celles qui, l’année précédant le paiement des rémunérations, n’ont pas été assujetties à la TVA sur au moins 90 % de leur chiffre d’affaires (CAA Paris 26 novembre 2014, n° 14PA02683, SAS International Real Returns). Ainsi, a-t-elle considéré, lorsqu’une société a été assujettie à la TVA sur l’intégralité de son chiffre d’affaires au titre d’une année N mais sur une fraction inférieure à 90 % au titre de l’année N-1, cette société doit être assujettie à la taxe sur les salaires au titre de l’année N.
Cependant, la solution donnée par cet arrêt, qui avait dans un premier temps fait l’objet d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État, apparaît erronée. On rappelle en effet que le texte de l’article 231 du CGI prévoit, de manière nous semble-t-il assez clairement alternative plutôt que cumulative, que la taxe sur les salaires affecte les organismes versant des rémunérations qui « ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l’ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d’affaires au titre de l’année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. » D’ailleurs, suite au pourvoi formé par l’entreprise, l’Administration a finalement décidé de ne pas poursuivre l’affaire devant le Conseil d’État et elle a même recommandé à ses agents de ne pas faire application de l’arrêt de la CAA de Paris.
Le rapport d’assujettissement peut être arrondi à l’unité immédiatement inférieure (rescrit du 22 juin 2010, n° 2008/13 FP ; BOFiP-TPS-TS-20-30-§ 80-30/03/2022) : c’est ainsi que dans l’exemple donné ci-dessus, 1 500 / 2 300 = 65,22 % peut être arrondi à 65 %.
Par ailleurs, lorsque ce rapport d’assujettissement est compris entre 10 % et 20 %, il y a lieu d’appliquer une décote, qui a pour effet d’éviter les effets de « ressaut », (évitant par exemple que, alors qu’une entreprise avec un rapport d’assujettissement de 9,9 %, arrondi à 9 %, n’acquitte aucune taxe sur les salaires, une entreprise avec un rapport de 10 %, donc à peine supérieur, acquitterait une taxe sur 10 % des rémunérations versées). Cette décote se traduit par le fait que le pourcentage d’imposition ne devient pleinement égal au pourcentage d’assujettissement qu’à partir de 20 %.